01 novembre 2022
"On sort du malaise": plus de 80 ans après son annexion de fait par le 3e Reich, la région française d'Alsace, frontalière avec l'Allemagne, regarde en face son douloureux passé sous la botte hitlérienne, alors que se multiplient expositions, livres et conférences. Le sujet demeure toutefois "sensible".
"Il y a une prise de conscience et une volonté de prendre en charge ce passé qu'on voulait ignorer", analyse le sociologue Freddy Raphaël, spécialiste du judaïsme alsacien. Le sujet reste "sensible" mais "on est en train de sortir du malaise", abonde Catherine Maurer, enseignante d'histoire contemporaine à l'Université de Strasbourg, la capitale alsacienne.
Plusieurs ouvrages ont ainsi été consacrés au Struthof (unique camp de concentration nazi en France, installé par les nazis en 1941 non loin de Strasbourg), ou au drame des incorporés de force, les 130'000 "malgré-nous" versés dans l'armée allemande. Mais dans cette région frontalière où l'on a changé quatre fois de nationalité entre 1871 et 1945, l'annexion hitlérienne est un sujet douloureux, dont certains aspects ont longtemps été tus.
Sorte de déni
"Il y a une part de non-dit qui naît après guerre", "on ne souhaite plus parler vraiment de cette période", explique Jérôme Schweitzer, conservateur à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg (BNUS), où il a monté avec Mme Maurer l'exposition "Face au nazisme. Le cas alsacien" à l'occasion des 80 ans de l'incorporation de force (1942).
Parmi les thèmes explorés jusqu'au 15 janvier: la propagande sur la "germanité" de l'Alsace, la "culture au service de l'idéologie" ou encore la résistance alsacienne au nazisme. L'épineuse question des "ralliés", ces Alsaciens qui ont épousé, par conviction, la doctrine national-socialiste, est également abordée.
Elle coïncide avec une actualité dense autour de l'annexion, alors qu'on dénombre actuellement pas moins de six expositions sur le sujet en Alsace.
En mai, le rapport de l'Université de Strasbourg sur la faculté de médecine de la Reichsuniversität nazie avait déjà fait grand bruit en passant au crible les "crimes médicaux de guerre" commis en son sein, notamment des "expérimentations humaines".
L'an passé, un ouvrage avait levé le voile sur les affinités d'extrême droite et les fonctions sous Vichy de Pierre Pflimlin, ex-maire de Strasbourg et figure de la IVe République ("La face cachée de Pierre Pflimlin", par Claude Mislin).